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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/106

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son attelage, la tête perdue, et remplissait le désert de ses imprécations.

Comme le docile cheval du danneman s’était arrêté court, on parla de mettre le malade dans le traîneau du paysan et de le transporter au château le plus vite possible. Stangstadius protesta que le malade arriverait mort. Le docteur, hors de lui, voulait courir après l’équipage du baron pour chercher sa trousse dans le traîneau. Enfin il la retrouva dans sa poche, où, grâce à son trouble, il l’avait touchée dix fois sans la sentir ; mais, quand vint le moment d’ouvrir la veine, la main lui trembla tellement, que Stangstadius, parfaitement indifférent à tout ce qui n’était pas lui-même, et satisfait, d’ailleurs, d’avoir à prouver sa supériorité en toutes choses, dut prendre la lancette et pratiquer la saignée.

Christian, debout et fort ému intérieurement, contemplait ce tableau étrange et sinistre, éclairé des reflets livides du soleil couchant : cet homme aux formes puissantes et à la physionomie terrible, qui s’agitait convulsivement sur les cadavres des bêtes féroces bizarrement entassés ; ce bras gras et blanc d’où coulait pesamment un sang noir qui se figeait sur la neige ; ce jeune médecin à la figure douce et pusillanime, à genoux auprès de son redoutable client, partagé entre la crainte de le voir