Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/116

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s’imaginait pouvoir le toucher du bout de son fouet, tantôt il s’enfonçait à des profondeurs incommensurables, tandis qu’en réalité il était infiniment moins loin ou infiniment moins près que les jeux du brouillard ne le faisaient paraître.

Puis vint la nuit avec son long crépuscule des régions du Nord, ordinairement verdâtre, et, ce soir-là, incolore et livide. Pas un être vivant dans la nature qui ne fût caché, immobile et muet. Christian se sentit oppressé par ce deuil universel, et peu à peu il s’y habitua avec une sorte de résignation apathique. Olof avait mis pied à terre pour descendre, en tenant le cheval par la bouche, presque à pic au bord du lac, lequel ne présentait qu’une masse de vapeurs sans limites. Christian s’imaginait descendre d’un versant escarpé du globe dans les abîmes du vide. Deux ou trois fois le cheval glissa jusqu’à s’asseoir sur ses jarrets, et Olof faillit lâcher prise et l’abandonner à son destin avec le traîneau et le voyageur. Celui-ci se sentait envahi par une mortelle indifférence. Le fils du baron ! ces quatre mots étaient comme écrits en lettres noires dans son cerveau, et semblaient avoir tué en lui tout rêve d’avenir, tout amour de la vie. Ce n’était pas du désespoir, c’était le dégoût de toutes choses, et, dans cette disposition, il ne se rendait compte que d’un fait immédiat :