Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/18

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flambeaux mortuaires sur un linceul. C’était cette barbare statue d’Odin, qui, de son marteau menaçant et de son bras informe, semblait lancer sur le monde nouveau et sur notre troupe profane je ne sais quelle malédiction ! Tout cela était beau, mais terrible ; j’ai l’imagination vive, et puis…

— Et puis, convenez-en, dit le major, vous aviez quelque sujet de chagrin.

— Peut-être ; une rêverie, une idée folle que le retour du soleil a dissipée. Oui, major, le soleil a sur l’esprit de l’homme une aussi bienfaisante influence que sur son corps. Il éclaire notre âme comme au réel. Ce beau et fantastique soleil du Nord, c’est pourtant le même que le bon soleil d’Italie et que le doux soleil de France. Il chauffe moins, mais je crois qu’il éclaire mieux qu’ailleurs, dans ce pays d’argent et de cristal où nous voici ! Tout lui sert de miroir, même l’atmosphère, dans ces glaces immaculées. Béni soit le soleil, n’est-ce pas, major ? Et béni soyez-vous aussi pour m’avoir emmené dans cette course vivifiante qui m’exalte et me retrempe. Oui, oui, voilà ma vie, à moi ! le mouvement, l’air, le chaud, le froid, la lumière ! Du pays devant soi, un cheval, un traîneau, un navire… bah ! moins encore, des jambes, des ailes, la liberté !

— Vous êtes singulier, Christian ! Moi, je pré-