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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/19

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férerais à tout cela une femme selon mon cœur.

— Eh bien, dit Christian, moi aussi, parbleu ! Je ne suis pas singulier du tout ; mais il faut être l’appui de sa propre famille ou rester garçon. Que voulez-vous que je fasse avec rien ? Ne pouvant songer au bonheur, j’ai, du moins, la consolation de savoir oublier tout ce qui me manque, et de m’enthousiasmer pour les joies austères auxquelles je peux prétendre. Ne me parlez donc pas de famille et de coin du feu. Laissez-moi rêver le grand vent qui pousse vers les rives inconnues… Je le sais trop, cher ami, que l’homme est fait pour aimer ! Je le sens en ce moment auprès de vous qui m’accueillez comme un frère, et qu’il me faudra quitter demain pour toujours ; mais, puisque c’est ma destinée de ne pouvoir établir de liens nulle part ; puisque je n’ai ni patrie, ni famille, ni état en ce monde, tout le secret de mon courage est dans la faculté que j’ai acquise de jouir du bonheur pris au vol et d’oublier que le lendemain doit l’emporter comme un beau rêve !… J’ai fait, d’ailleurs, bien des réflexions depuis ce punch dans la grotte du hogar.

— Pauvre garçon ! vous êtes amoureux, tenez, car vous n’avez pas dormi !

— Amoureux ou non, j’ai dormi comme dort l’innocence ; mais on réfléchit vite quand on n’a pas