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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/79

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bout d’un instant, un cri de détresse le fit bondir, saisir ses armes, et s’élancer dans la direction de la voix.

En escaladant avec une prodigieuse agilité les arbres renversés, les monceaux de débris durcis par la glace et les monstrueuses racines entrelacées, Christian arriva sans le savoir à vingt pas de la tanière de l’ours. L’animal terrible était couché entre lui et cet antre ; il léchait le sang qui teignait la neige autour de ses flancs. Le danneman était debout sur le seuil du repaire, pâle, les cheveux au vent et comme hérissés sur sa tête, les mains désarmées. Son épieu, brisé dans le flanc de l’ours, gisait auprès de l’animal, et, au lieu de songer à ôter son fusil de la bandoulière pour l’achever, Betsoï semblait fasciné par je ne sais quelle terreur, ou enchaîné par je ne sais quelle prudence inexplicable.

Dès qu’il aperçut Christian, il lui fit des signes que celui-ci ne put comprendre ; mais il devina qu’il ne fallait point parler, et visa l’ours. Heureusement, avant de tirer, il leva encore une fois les yeux sur Joë Bœtsoï, qui lui intima, par un geste désespéré, l’ordre de s’arrêter. Christian imita sa pantomime pour lui demander s’il fallait l’égorger sans bruit, et, sur un signe de tête affirmatif, il marcha droit à l’ours, qui, de son côté, se leva tout droit en grondant pour le recevoir.