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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/85

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venu vite, herr Christian, puisque tout s’est bien passé…, oui, très-bien passé, je dis, et tu es un homme ! Je suis fâché qu’il y ait eu auparavant trois mots de fiel entre nous deux. Cela est oublié, et je te dois mon cœur comme je te dois ma vie. Embrassons-nous, et considère que je t’embrasse comme si tu étais mon fils.

Christian embrassa avec effusion le Dalécarlien, et celui-ci raconta aux autres comment, après avoir lestement achevé l’ours corps à corps, le jeune homme avait tué l’ami fort à propos, à deux pouces de sa chrétienne figure. Christian dut défendre sa modestie de l’exagération du danneman quant à ce dernier point ; mais, comme Bœtsoï, enthousiasmé, n’en voulut rien rabattre et qu’il n’y avait aucun moyen d’aller aux preuves, l’exploit du jeune aventurier prit des proportions colossales dans l’imagination de Larrson et de ses amis. Leur estime pour lui augmenta d’autant, et il n’y a point trop lieu de s’en étonner. La présence d’esprit est la faculté du vrai courage. On plaint celui qui succombe, on admire celui qui réussit. Sans consentir à s’admirer lui-même, Christian éprouvait une vive satisfaction d’avoir acquis des droits à l’amitié du danneman, qu’il s’obstinait à regarder désormais comme son proche parent ; mais il se garda bien de revenir à ses imprudentes questions.