Page:Sand - La Daniella 1.djvu/165

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sous la voûte de la caverne, où je la forçai de s’asseoir, pour l’empêcher de recommencer quelque inutile expérience de son courage insensé.

Pour que vous compreniez comment je pouvais entrer dans une caverne où coule un bras de rivière impétueuse, il faut vous représenter la large ouverture de cette caverne, dont une moitié seulement sert de lit à la course des eaux, cette moitié est nécessairement la plus creuse ; l’autre également pavée de grands feuillets ondulés et bosselés par les soulèvements volcaniques, vous permet de monter, en tournant, jusque vers l’ouverture supérieure par laquelle le flot s’engage sous la voûte. Ainsi vous remontez, aisément et à couvert, la pente fortement inclinée et tourmentée d’un cours d’eau qui forme une cascade devant vous, et une autre cascade derrière vous. Cela m’expliquait la formidable basse continue que, du temple de la Sibylle, nous entendions monter de l’abîme invisible, tandis que la claire nappe argentée, qui léchait la perpendiculaire du grand rocher, dominait la sauvage harmonie par un chant plus frais et plus élevé.

L’endroit où j’avais fait asseoir, bon gré mal gré, Medora, forme une imposante et bizarre excavation, où pénètre, de l’issue supérieure invisible encore, une lueur bleue d’un effet fantastique. Les voûtes de la caverne où s’enroulent furieusement ces étranges formations minérales dont je vous ai parlé ces prétendues plantes d’un monde antérieur colossal, prennent là le dessin et l’apparence d’un ciel de pierre labouré de ces lourdes nuées moutonneuses qu’imitèrent les statuaires italiens du XVIIe siècle, dans les gloires dont ils entourèrent leurs Madones ou leurs saints équestres. En sculpture, c’est fort laid et fort bête ; mais, dans ce jeu de la nature, dans ce plafond de caverne éclairé d’un jour frisant et blafard qui en dessine les groupes fuyants et insensés, c’est étrange au point d’être sublime ; et, comme si la ma-