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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/192

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moi d’en profiter. Mais que fait-elle avec votre Daniella ?

— Je pourrais m’inspirer de l’air du pays pour vous répondre : Chi lo sà ! Mais, quand on n’est pas Italien, on se donne toujours la peine de supposer quelque chose, et je m’imagine qu’elle se réconcilie avec la personne injustement maltraitée par elle.

— Oui, ça doit-être, car elle est bonne, n’est-ce pas ? C’est une noble créature ; violente, mais généreuse, folle à ses heures, et comme ivre de fantaisies d’artistes dans ses résolutions excentriques, mais d’une raison et d’une logique admirables quand elle fait appel à sa propre intelligence. C’est une femme supérieure qui s’ennuie, voilà tout. L’amour en fera une créature adorable, vous verrez !

Brumières s’attribuait si naïvement ce prochain miracle, qu’il n’eût pas été possible de le dissuader. À quoi bon, d’ailleurs ? L’amour-propre exubérant est une si vive jouissance par elle-même, que les déceptions peuvent bien venir à la suite des rêves. Les compensations anticipées sont aussi réelles que celles qui arrivent après un désastre. Je n’avais rien de mieux à faire que d’admirer cette faculté d’illusion, tout en philosophant intérieurement sur la situation de cette famille : d’un côté, lord B*** au seuil d’un immense et incurable désespoir ; de l’autre, Medora faisant des projets ; et, à côté d’elle, Brumières disant : « Dieu conserve lady Harriet, mais sa mort me serait bien utile pour le quart d’heure !»

Quand je pus rejoindre Daniella et lui demander compte de son entrevue avec Medora, je la trouvai rêveuse et réservée dans ses réponses.

— Mon Dieu ! lui dis-je, tu parais attristée ! T’a-t-elle dit quelque chose qui puisse te faire encore douter de moi ?

— Non certes, bien au contraire ! elle a été très-franche, très-bonne, très-grande. Elle m’a avoué, non pas qu’elle t’a