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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/194

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trouvé le destin si injuste dans son choix, que je devenais fataliste. J’avais l’idée de me tuer pour le désarmer !

Je le laissai s’épancher, et j’attendis qu’il eût exhalé toute l’amertume habituellement refoulée en lui-même, pour le raisonner avec affection et le réhabiliter à ses propres yeux sans accuser sa femme.

Il n’y a pas, dans notre action morale, de fatalité que nous ne puissions combattre et vaincre presque radicalement ; voilà ma croyance, et je la lui exposais avec sincérité. J’ajoutais que, dans les faits collectifs que l’on appelle lois de la société, il y avait des souffrances inévitables, fatales en apparence, sur le compte desquelles nous pouvions mettre souvent nos douleurs personnelles et les torts de ceux qui nous entourent ; mais que toute la force, toute la sagesse de l’individu devaient être employées à combattre ces mauvais résultats, autour comme au dedans de nous. Les moyens me paraissaient, non pas faciles, mais simples et nettement tracés. Les vieilles vertus de la religion éternelle sont restées vraies, malgré différentes erreurs d’application, et nul sophisme, nulle corruption sociale, nul mensonge de l’égoïsme n’empêcheront le bien d’être, par lui-même, en dépit de tous les maux extérieurs, une joie souveraine, une notion délicieuse, une clarté sublime. Quand notre conscience est en paix, notre cœur vivant, et notre pensée saine, nous devons nous estimer aussi heureux qu’il est donné à l’homme de l’être. Demander plus, c’est vouloir follement renverser des lois divines qui devaient être puisqu’elles sont, et que nos plaintes ne changeront pas.

— Je suis tout à fait d’accord avec vous, me dit lord B*** ; et c’est parce que mon esprit ne s’est pas attaché à cette notion saine dont vous parlez, que mon cœur s’est aigri et que ma conscience s’est troublée. J’ai été coupable