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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/68

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voir me montrer plus expansif, et j’y étais disposé pour le cas où l’on m’interrogerait ; mais on me parut savoir tout ce qui me concerne, et le docteur m’adressa une seule question, à laquelle précisément je ne pus répondre avec sincérité.

— Pourquoi diable, me dit-il un peu brusquement, avez-vous été vous imaginer de toucher à cette madone de Lucullus ?

— Et comment diable, répondis-je pour éluder la réponse, êtes-vous informé de cette sotte histoire ?

— Parce que nos gens ont été à Frascati tons les jours avant notre blocus, dit le prince, et que, d’ailleurs, Felipone nous tient au courant des contes et nouvelles du pays.

— Rangez donc parmi les contes cette absurde aventure : je ne sais pas moi-même ce qu’elle signifie.

— Vraiment ? reprit le docteur. Eh bien, moi, je l’avais expliquée d’une manière ingénieuse, toute conforme à un souvenir qui m’est personnel, et j’en serai, à ce qu’il parait, pour mes frais d’intelligence. Figurez-vous que, dans ma petite jeunesse, à Ravenne, j’avais une petite amoureuse à qui son confesseur défendit de se laisser embrasser. Comme elle retombait plus souvent que de raison dans ce péché mortel, elle crut se fortifier contre le tentateur par un vœu. En conséquence, elle passa son chapelet au cou d’une vierge de faïence émaillée (c’était, Dieu me pardonne, un ouvrage précieux de Luca della Robbia !) et elle fît serment de ne pas me laisser baiser ses lèvres tant que ce chapelet resterait là. Elle me laissait prendre d’autres libertés innocentes, comme de baiser ses mains, ses joues et même sa petite épaule rose ; mais la bouche se détournait de la mienne avec effroi, et cela dura bien trois jours, au bout desquels elle m’avoua l’engagement qu’elle avait pris. Aussitôt, sans lui