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cette femme plus forte qu’elle de sa conscience, et consentit à se laisser guider par elle dans l’acte de générosité conjugale dont elle voulait se faire un mérite auprès de son mari.

Il lui fallut d’abord renoncer ou paraître renoncer à avoir ce mérite aux yeux du monde. Anicée exigea que tout se passât, jusqu’à la manifestation des volontés paternelles, dans le secret de l’intimité.

La duchesse céda et partit en remerciant madame de Saule de son bon conseil.



VI


Deux jours après cette entrevue de ses deux protectrices, Morenita reprenait son journal.


JOURNAL DE MORENITA
Paris, 19 novembre 1846.

Je ne voulais plus rien écrire. Cela m’avait fait trop de mal ! Il me semblait qu’en me racontant mes peines, je les augmentais, et leur donnais une réalité qu’elles n’auraient pas eue sans cela. Aujourd’hui que mon esprit est dans une disposition plus riante, je veux enregistrer le souvenir de cette soirée.

Que signifie-t-elle ? Je n’en sais trop rien. Mais il y a encore de mystère là-dessous. M. Clet dit qu’il n’y a d’agréable dans la vie que l’inconnu. Bonne maman appelle cela un paradoxe.