Page:Sand - La Filleule.djvu/202

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A-t-elle raison ? Les cachotteries qui m’environnent ont leurs moments de charme ; mais je sens souvent aussi les épines de la curiosité inassouvie m’atteindre au milieu de toutes ces guirlandes de roses où l’on enferme mon petit horizon…

Nous venions de dîner, et mon parrain prenait son café au coin du feu. J’avais entendu mamita défendre sa porte, excepté pour deux personnes qu’elle n’avait ni nommées, ni décrites à ses gens, mais qui devaient demander M. Stéphen tout court. Elle avait dit cela, ne croyant pas être entendue de moi. Et je croyais, moi, que c’était quelque rendez-vous d’affaires ; je m’attendais à m’ennuyer.

On a demandé mon parrain ; il est sorti du salon et y a ramené aussitôt une belle, jolie, charmante femme, parée comme pour une demi-soirée, mais avec quel goût et quelle recherche ! Elle avait une robe de soie blanche à grandes fleurs flambées, des fuchsias de corail montés en or, des dentelles magnifiques et une profusion de bracelets, tous plus beaux les uns que les autres. C’est bien joli, d’avoir une quantité de bijoux différents. Mamita m’a donné tous les siens. Elle dit que ce sont des objets d’art agréables à regarder, incommodes à porter, mais que, si cela m’amuse, il n’y a pas de raison pour m’en priver. Mais elle n’est pas immensément riche, ma bonne mamita ; elle n’a jamais été coquette, et elle fait tant de bien, que son écrin n’était pas très-éclatant. Mon parrain me blâme d’aimer follement la parure, depuis que nous sommes revenus ici. Que veut-il donc que j’aime ? Il n’a qu’à m’aimer un peu plus, lui ; il verra si je me soucie des chiffons et des affiquets dont j’essaye de m’amuser.

La belle dame, après les politesses un peu sans façon qu’elle a adressées à mes deux mamans, s’est mise à me regarder avec tant de curiosité, que, moi qui ne suis pas timide, j’ai failli en être décontenancée. Cela commençait même à devenir impertinent, lorsqu’elle est venue à moi et m’a demandé avec