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Page:Sand - La Filleule.djvu/205

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l’espagnol. Quand sa femme et lui ont vu que je parlais leur langue tout aussi bien qu’eux, et comme si c’était la mienne propre, ils ont fait des cris d’admiration et ont béni mamita sur tous les tons pour l’excellente éducation qu’elle m’a donnée. J’ai un peu souri de cet orgueil national et leur ai recommandé de ne pas dire trop de mal de mamita devant elle, en espagnol, vu qu’elle le comprenait tout aussi bien que moi. Mamita s’est obstinée à leur répondre en français, prétendant qu’elle ne voulait pas leur fatiguer l’oreille par une prononciation défectueuse, et qu’elle ne connaissait un peu la langue que pour m’avoir entendue prendre mes leçons avec mon parrain.

Dans le fait, je crois que mamita faisait là un acte de respect envers sa mère, qui n’entend pas cette langue, et, profitant de l’exemple, voulant paraître aussi une bonne fille bien élevée, j’ai reparlé français tout le reste de la soirée. Vraiment, je me suis senti beaucoup d’amour-propre devant ce duc, qui me plaît à la folie. J’ai très-bien joué du piano et très-joliment chanté en espagnol devant lui. Pour un peu, j’aurais dansé le boléro, que j’ai appris toute seule, en secret, devant la psyché de ma chambre, après l’avoir vu danser à Fanny Elssler. Je sais bien que je le danse, sinon mieux qu’elle, du moins plus dans le vrai caractère.

Le duc était enchanté de moi, et sa femme aussi. Il n’y a pas d’éloges qu’ils n’aient faits de moi à mamita, à tel point qu’elle les a priés de ne pas me gâter.

— Elle a trop de bon sens pour être vaine, leur a-t-elle dit. Dites-lui surtout de continuer à être modeste ; cela vaudra encore mieux que tous ses petits talents et toutes ses gentillesses.

Elle disait cela pour moi, cette bonne mère ; mais, au fond, elle était très-fière de mon succès devant ces étrangers, je le voyais bien. Quand ils ont pris congé, comme ils ne par-