Page:Sand - La Filleule.djvu/289

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en tordant ses mains dans le silence de sa cellule, et je le grandirai de toute la puissance de ma haine contre mes tyrans !

Le couvent qu’on lui avait assigné pour retraite et pour prison était une véritable forteresse. Dans les premiers jours, il sembla à l’infortunée jeune fille qu’elle était enterrée vivante, et tout plan d’évasion lui parut inadmissible. Elle garda pourtant un profond silence et ne daigna pas faire entendre une plainte. Les religieuses, que le duc avait averties, s’attendaient à une explosion terrible. Il n’en fut rien. La captive fut muette, froide, polie, et d’une rare dignité dans sa douleur.

C’était le beau côté de cette nature mêlée de grandeur et de misère. Si elle avait la vanité puérile, l’ingratitude et la personnalité déréglée de l’instinct sauvage dans le triomphe, elle avait aussi le stoïcisme, la patience, la fierté dans la défaite.

Avec son admirable divination, Anicée, sans se piquer de la science de l’analyse du cœur humain, avait compris ce qu’il fallait à cette enfant. Alors qu’on l’accusait d’être aveugle et de la gâter, elle suivait la seule ligne de conduite appropriée à son caractère. Elle ne brisait aucune spontanéité, et, faisant la part de la fatalité de l’organisation, elle satisfaisait les appétits invincibles, toutes les fois qu’ils n’avaient pas de danger immédiat ou sérieux. Le duc, tour à tour plus faible et plus rigide, devait amener sa fille à cette complète révolte intérieure qui est pire que la révolte ouverte et passagère.

Morenita eut l’intelligence de comprendre que l’oppression est, à la longue, un fardeau aussi pénible à ceux qui l’exercent qu’à ceux qui le subissent ; que, dans les desseins de Dieu, personne n’est prédestiné à l’état de geôlier, et que, sans les continuelles révoltes des captifs, qui donnent à la volonté des gardiens une tension factice et maladive, les liens les mieux