Page:Sand - La Filleule.djvu/296

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poste, après les avoir cherchés à Venise, où ils avaient passé une quinzaine ; elle avait donc déjà plus de douze jours de date.

Anicée n’avait reçu aucune lettre de Morenita depuis celle de Nice que nous avons transcrite. Elle avait su son séjour de trois mois à Gênes, et avait attribué son silence à l’oubli le plus complet ; elle en avait souffert, mais sans élever une plainte qui pût faire remarquer à son mari et à sa mère les torts de l’enfant qu’elle chérissait toujours. Elle avait su ensuite le retour d’Espagne du duc de Florès et le départ de sa famille pour Paris. Mais elle ignorait qu’on eût laissé Morenita à Turin. Seulement, au bout de deux mois, elle avait reçu en Italie des nouvelles de Clet, qui, ne voulant pas s’expliquer clairement sur cette aventure, l’avait jetée dans de grandes perplexités. Ses instances avaient obtenu qu’il fût plus explicite, et la lettre qu’on vient de lire, et dont nous avons omis le commencement, lui révélait enfin la vérité.

Madame Marange s’était trouvée assez grièvement malade à Genève, au moment de retourner à Briole avec ses enfants. Elle était encore hors d’état de supporter un voyage quelconque. Anicée, ne pouvant la quitter, supplia Stéphen de courir à Turin, afin de pénétrer enfin le motif de la conduite de Morenita envers elle, de vaincre sa résistance et de la ramener avec ou sans l’assentiment du duc, celui-ci ne paraissant pas remplir avec intelligence ses devoirs de tuteur ou de père.

Stéphen éprouvait une grande répugnance à se charger de cette mission. Il eût voulu la confier à Roque, mais personne n’était moins propre à la remplir, quelque bonne volonté qu’il pût y mettre.

Stéphen voyait l’angoisse de sa femme si pénible, qu’il ne savait que faire pour y remédier sans risquer auprès de Morenita une démarche qui lui paraissait pourtant de nature à empirer sa situation.