Page:Sand - La Filleule.djvu/299

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Il se défia d’abord de la sincérité de ce retour vers lui, et, avant d’y croire, il voulut la preuve de cette affection trop soudaine.

— Quelle preuve ? dit la jeune fille, toujours innocente dans son astuce.

— Aucune, à coup sûr, répondit Clet surpris et charmé de sa candeur, que vous, moi ou le duc puissions jamais avoir à nous reprocher. Donnez-moi un gage, écrivez-moi une lettre, que sais-je ! Établissons un lien qui, s’il n’enchaîne pas votre conscience, mette au moins ma loyauté à couvert auprès du duc et de mamita.

— Écoutez, dit-elle, êtes-vous autorisé par le duc à me faire sortir du couvent et à me ramener vers lui, si je m’engage à vous épouser ?

— Non certes ! Que vous connaissez mal les convenances du monde, vous qui y avez pourtant brillé un instant !

— Un instant si court, que je ne me rappelle rien ou n’y ai rien compris. Alors, tenez, si les convenances vous défendent de me ramener à Paris, c’est raison de plus : enlevez moi ! j’espère que je serai assez compromise avec vous ; que ni vous ni mon père ne pourrez plus douter de moi, et que ce sera un engagement indissoluble.

— Pas sûr ! dit Clet fort ému. Shakspeare a dit, en parlant de la femme : « Perfide comme l’onde ! »

— Ah ! vous vous méfiez encore ? Eh bien, vous êtes un niais ! Vous devriez vous dire que, si je viens à me rétracter, après m’être perdue de réputation pour vous, vous n’en recevrez pas moins de compliments pour votre ascendant sur les femmes, et que vous pourrez crier partout que c’est vous qui m’avez trompée.

— Vous êtes un méchant diable, dit Clet en riant ; mais vous êtes folle ! Je ne veux pas jouer ce rôle-là.

— Vous êtes donc devenu bien moral ?