Page:Sand - La Filleule.djvu/300

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— Non ; mais je suis un honnête homme, l’ami du duc et de Stéphen. Toute sottise que je vous laisserais faire serait une tache, pour votre mamita surtout. Il ne faut pas que l’enfant qu’elle a élevée soit perdue de réputation comme vous dites.

— Ah ! toujours mamita ! dit Morenita avec colère. Si l’on tient à mon honneur, c’est à cause du sien ! Moi, je ne compte jamais ! Tenez, vous ne m’aimez pas !

Morenita pleura. Clet se sentit bien faible. Deux jours de cette lutte épuisèrent ce qui lui restait de forces. Il n’en garda plus que pour résister à une fuite en Angleterre, à un mariage de Gretna-Green que lui proposait Morenita. Il était si bien convaincu, que tout ce qu’il put obtenir fut de conduire directement Morenita à Paris et de tenir sa main de celles du duc et de la duchesse. Il fallut promettre de renoncer à attendre l’avis de Stéphen et de sa femme.

Il ne restait plus qu’à effectuer l’enlèvement. Clet n’était muni d’aucun pouvoir du duc auprès de la supérieure pour faire sortir Morenita du couvent ; mais Morenita avait tout prévu ; elle était sûre de son fait.

— S’en aller la nuit par-dessus les murs, lui dit-elle, descendre par les fenêtres, tout ce qu’on peut imaginer de plus difficile et de plus périlleux, est absolument impossible. Il y a longtemps que j’y songe et je sais à quoi m’en tenir.

— Il y a longtemps ? dit Clet. Vous ne devriez pas me dire cela !

— Ai-je dit longtemps ? reprit-elle. Eh bien, va pour longtemps ; car il y a huit jours, et c’est un siècle !

— Allons ! si le difficile est l’impossible, le possible est donc dans le facile ? Explique-toi.

— La chose impossible à tous, facile à vous seul, c’est l’entrée et la sortie de ce parloir, c’est le tête-à-tête où nous voilà. Eh bien, faites-moi sortir à travers cette grille qui nous sépare, et tout est dit.