Page:Sand - La Filleule.djvu/301

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Clet examina la grille : elle était en fer, très-massive et solidement scellée dans la muraille.

— Que les hommes sont bêtes ! dit Morenita, qui le regardait en riant. Et cette petite fenêtre, au milieu, pour faire passer les cadeaux, les jouets ou les brioches que les parents apportent à leurs enfants ?

— Elle est grillée aussi et fermée en dedans avec un cadenas.

— Voici l’empreinte, dit Morenita en la tirant de sa poche ; vous allez faire faire une clef.

— Sublime ! dit Clet, qui, malgré lui, s’amusait comme un enfant de l’idée d’enlever une femme qu’on lui donnait d’avance avec une dot. Mais, quand nous aurons une clef, vous ne passerez pas par cette étroite ouverture.

— J’y passerai, dit Morenita.

— Impossible ! Il y a de quoi vous briser. Je ne veux pas d’une femme passée au laminoir.

— J’y passerai, dit Morenita, et je n’aurai pas un cheveu de moins.

— À la bonne heure ! dit Clet, bien résolu à ne pas faire faire de clef et à ne pas exposer Morenita à cette affreuse et impossible épreuve.

Elle le devina, et, se ravisant, elle lui dit :

— J’ai une autre idée. Oui, un moyen sûr, naturel, excellent ; mais je ne veux pas vous le dire, vous le feriez manquer par votre peu de sang-froid. À demain. Ne venez ici qu’à la nuit, ayez une voiture à la porte, un grand manteau sur les épaules, une chaise de poste à la sortie de la ville, et je vous réponds de tout.

Clet n’en croyait rien, mais elle lui arracha sa parole d’honneur de se tenir prêt pour l’enlèvement le lendemain à l’heure dite. Morenita, pour lui donner confiance, lui remit une lettre adressée au duc, dans laquelle elle lui déclarait gaiement sa