Page:Sand - La Filleule.djvu/67

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Il était près de minuit quand j’arrivai à la maison Floche. Je revenais souvent aussi tard. Je sortais même quelquefois au milieu de la nuit pour étudier la géographie céleste, et je rentrais, aux approches du jour, sans réveiller mon hôte. J’avais la clef de ma chambre, et l’escalier était extérieur.

Je fus surpris, en approchant de la maison, de voir de la lumière au rez-de-chaussée, comme si, par exception, on se fût inquiété de mon absence. Je doublai le pas, et remarquai une ombre noire, qui semblait se détacher de la fenêtre, glisser le long du mur et s’enfoncer dans le buisson. C’était évidemment quelqu’un qui épiait, du dehors, ce qui se passait à l’intérieur. Je ne m’amusai pas à crier : Qui va là ? comme font les gens qui ont peur et qui craignent de mettre la main sur le larron. J’allai droit à la maison en sifflant, comme si je n’eusse rien remarqué, et, quand je fus arrivé à l’endroit du buisson où le fantôme avait disparu, j’y entrai brusquement. Aussitôt un bruit de pas et de branches brisées m’apprit que le voleur ou le curieux fuyait en me sentant si près de lui. Je le suivis, mais il avait de l’avance sur moi et m’échappa. Un instant je le vis traverser le chemin à vingt pas de moi. C’était un homme ; voilà tout ce que je pus distinguer. Je courus en vain ; ramené à mon gîte par crainte de quelque danger plus voisin pour mes hôtes, j’abandonnai ma poursuite inutile, et retournai vers eux par un autre chemin.

J’y étais à peine engagé, que je vis accourir à ma rencontre une autre ombre plus petite et plus grêle, que je distinguais assez pour voir que c’était un enfant. Sans doute, il croyait rejoindre par là l’autre fugitif sans me rencontrer ; mais, dès qu’il m’aperçut, il coupa droit dans le fourré, où je ne perdis pas mon temps à le chercher.

Une bande de malfaiteurs menaçait peut-être la maison. Le mieux était d’aller avertir nos hôtes et de défendre la place avec le vieux Floche, qui possédait un bon fusil de munition