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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/130

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je n’étais rien moins que content. Je ne me sentais aucun goût pour des aventures où tout le risque était pour la femme et tout le tort de mon côté. Il me semblait que j’étais lestement traité, puisqu’on s’exposait pour moi à des dangers et à des malheurs qu’on ne me permettait pas de combattre ou de conjurer.

Je retombai malgré moi dans un silence pénible. La signora, ayant fait de vains efforts pour le vaincre, se tut aussi. La figure de Lila restait consternée. Nous étions sortis de la ville ; deux fois je fis remarquer que le lieu me semblait favorable pour arrêter le cocher et me déposer sur la route. Deux fois la signora s’y opposa d’un ton impérieux, disant que c’était trop près de la ville, et qu’on courait encore risque de rencontrer quelque figure de connaissance.

Depuis un quart d’heure nous ne disions plus un mot ; cette situation devenait horriblement désagréable. J’étais mécontent de la signora, qui m’avait engagé sans mon consentement dans une aventure où je ne pouvais marcher à ma guise. J’étais encore plus mécontent de moi-même pour m’être laissé entraîner à des enfantillages dont toute la honte devait retomber sur moi ; car, aux yeux des hommes les moins scrupuleux, corrompre ou compromettre une fille de quinze ans doit toujours être considéré comme une lâche et mauvaise action. J’allais décidément arrêter le cocher pour descendre, lorsqu’en me retournant vers mes compagnes de voyage je vis le visage de la signora inondé de larmes silencieuses. Je fis une exclamation de surprise, et, par un mouvement irrésistible, je pris sa main ; mais elle me la retira brusquement, et, se jetant au cou de Lila qui pleurait aussi, elle cacha, en sanglotant, sa tête dans le sein de sa fidèle soubrette.

— Au nom du ciel ! qu’avez-vous à pleurer d’une manière