Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/150

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qu’avez-vous ? Vous frémissez, votre main tremble… Ô ciel ! vous blâmez beaucoup ma mère !…

— Non, signora, non, répondis-je d’une voix éteinte ; je vous écoute avec attention. La scène se passait à Venise ?

— Vous l’avais-je dit ?

— Je crois que oui ; et c’était au palais Aldini, sans doute ?

— Sans doute, puisque je vous dis que c’était dans la chambre de ma mère… Mais pourquoi cette émotion, Lélio ?

— Ô mon Dieu ! ô mon Dieu ! vous vous appelez Alezia Aldini ?

— Eh bien ! à quoi songez-vous ? dit-elle avec un peu d’impatience. On dirait que vous apprenez mon nom pour la première fois.

— Pardon, signora, votre nom de famille… Je vous avais toujours entendu appeler Grimani à Naples.

— Par des gens qui nous connaissaient peu, sans doute. Je suis la dernière des Aldini, une des plus anciennes familles de la république, orgueilleuse et ruinée. Mais ma mère est riche, et le prince Grimani, qui trouve ma naissance et ma fortune dignes de son neveu, tantôt me traite avec sévérité, tantôt me cajole pour me décider à l’épouser. Dans ses bons jours, il m’appelle sa chère fille ; et quand les étrangers lui demandent si je suis sa fille en effet, il répond, faisant allusion à son projet favori : « Sans doute, puisqu’elle sera comtesse Grimani. » Voilà pourquoi à Naples, où j’ai passé un mois, et où l’on ne me connaît guère, et dans ce pays-ci que j’habite depuis six semaines, où je ne vois ni ne connais personne, on me donne toujours un nom qui n’est pas le mien…

— Signora ! repris-je en faisant effort sur moi-même pour rompre le silence pénible où j’étais tombé, daignerez-vous m’expliquer quel rapport peut avoir cette histoire avec notre amour, et comment, à l’aide du secret