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elle m’exprima que le passé était vivant dans sa mémoire. J’eus la délicatesse de n’y faire aucune allusion ; cependant j’eusse été heureux qu’elle ne craignît pas de m’en parler avec abandon : c’eût été une marque d’estime plus grande que toutes les autres.

Sans doute Alezia lui avait tout raconté ; sans doute elle lui avait fait une confession générale de toutes les pensées de sa vie, depuis la nuit où elle avait surpris ses amours avec le gondolier jusqu’à celle où elle avait confié ce secret au comédien Lélio. Sans doute les souffrances mutuelles d’un tel épanchement avaient été purifiées par le feu de l’amour maternel et filial. Bianca me dit que sa fille était calme, résignée, qu’elle désirait me voir un jour et me témoigner son amitié inaltérable, sa haute estime, sa vive reconnaissance… En un mot, le sacrifice était consommé.

Je ne quittai pas la princesse sans lui témoigner le désir que j’avais de voir un jour Alezia agréer l’amour de Nasi, et je l’engageai à cultiver les dispositions de ce brave et excellent jeune homme.

Je retournai à mon auberge à quatre heures du matin. J’y trouvai Nasi, qui, selon mes instructions, avait tout fait préparer pour mon départ. Lorsqu’il me vit arriver avec Francesca, il crut qu’elle venait me reconduire et me dire adieu. Quelle fut sa surprise lorsqu’elle l’embrassa en lui disant d’un ton vraiment impérial :

— Nasi, soyez libre ! faites-vous aimer d’Alezia ; je vous rends vos promesses et vous conserve mon amitié.

— Lélio, s’écria-t-il, m’enlevez-vous donc aussi celle-là ?

— Croyez-vous à mon honneur ? lui dis-je. Ne vous en ai-je pas donné assez de preuves depuis hier ? Et doutez-vous de la grandeur d’âme de

Francesca ?

Il se jeta dans nos bras en pleurant. Nous montâmes en voiture au lever du soleil. Au moment où nous pas-