Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/85

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— Je ne l’ai ni entendu, ni vu, dit le naïf cousin, mais j’en ai beaucoup ouï parler. C’est un grand artiste, à ce qu’on assure.

— Très grand, repartit la Grimani, plus grand que vous de toute la tête. Tenez ! il est de la taille de monsieur… Le connaissez-vous, monsieur ? ajouta-t-elle en se tournant vers moi.

— Je le connais beaucoup, signora, répondis-je d’un ton acerbe ; c’est un très beau garçon, un très grand comédien, un admirable chanteur, un causeur très spirituel, un aventurier hardi et facétieux, et de plus intrépide duelliste, ce qui ne gâte rien.

La signora regarda son cousin, et me regarda ensuite d’un air insouciant comme pour me dire : « Peu m’importe. » Puis elle éclata de nouveau d’un rire inextinguible, qui n’avait rien de naturel et qui ne se communiqua ni au cousin ni à moi. Je me remis à poursuivre la dominante sur le clavier, et le signor Ettore piétina avec impatience, et fit crier ses bottes neuves sur le parquet, comme un homme fort mécontent de la conversation qui s’établissait si cavalièrement entre un ouvrier de mon espèce et sa noble fiancée.

— Ah çà ! mon cousin, n’allez pas croire ce que monsieur vous dit de Lélio, reprit brusquement la signora en interrompant son rire convulsif. Quant à la grande beauté du personnage, je n’y saurais contredire : car je ne l’ai pas regardé ; et d’ailleurs, sous le fard, sous les faux cheveux et les fausses moustaches, un acteur peut toujours sembler jeune et beau. Mais quant à être un admirable chanteur et un bon comédien, je le nie. Il chante faux d’abord, et ensuite il joue détestablement. Sa déclamation est emphatique, son geste vulgaire, l’expression de ses traits guindée. Quand il pleure, il grimace ; quand il menace, il hurle ; quand il est majestueux, il est ennuyeux ; et, dans ses meilleurs moments, c’est-à-dire lorsqu’il