Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/86

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se tient coi et ne dit mot, on peut lui appliquer le refrain de la chanson :

Brutto è quanto stupido.

Je suis fâchée de n’être pas de l’avis de monsieur ; mais je suis de l’avis du public, moi ! Ce n’est pas ma faute si Lélio n’a pas eu le moindre succès à San Carlo, et je ne vous conseille pas, mon cousin, de faire le voyage de Naples pour le voir.

Ayant reçu cette cinglante leçon, je faillis un instant perdre la tête et chercher querelle au cousin pour punir la signora : mais le digne garçon ne m’en laissa pas le temps.

— Voilà bien les femmes ! s’écria-t-il, et surtout voilà bien vos inconcevables caprices, ma cousine ! Il n’y a pas plus de trois jours, vous me disiez que Lélio était le plus bel acteur et le plus inimitable chanteur de toute l’Italie. Sans doute, vous me direz demain le contraire de ce que vous dites aujourd’hui, sauf à revenir après-demain…

— Demain et après, et tous les jours de ma vie, cher cousin, interrompit précipitamment la signora, je dirai que vous êtes un fou et Lélio un sot.

— Brava, signora, reprit le cousin à demi-voix en lui offrant son bras pour sortir du salon ; on est un fou quand on vous aime et un sot quand on vous déplaît.

— Avant que Vos Seigneuries se retirent, dis-je alors sans trahir la moindre émotion, je leur ferai observer que ce piano est en trop mauvais état pour que je puisse le réparer entièrement aujourd’hui. Je suis forcé de me retirer ; mais, si Vos Seigneuries le désirent, je reviendrai demain.

— Certainement, monsieur, répondit le cousin avec une courtoisie protectrice et se retournant à demi vers moi ; vous nous obligerez si vous revenez demain.

La Grimani, l’arrêtant d’un geste brusque et vigoureux, le força de se retourner tout à fait, resta immobile appuyée sur son