Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— J’en trouve l’harmonie satisfaisante, répondit-elle en se pinçant la lèvre pour ne pas rire, et les sons qu’il rend son extrêmement agréables.

— C’est un bel instrument, repris-je.

— Et en très bon état, ajouta-t-elle.

— Votre Seigneurie a un très beau talent sur le piano.

— Comme vous voyez.

— Voilà une valse charmante et très bien exécutée.

— N’est-ce pas ? comment ne jouerait-on pas bien sur un instrument aussi bien accordé ? Vous aimez la musique, monsieur ?

— Peu, signora ; mais celle que vous faites me va à l’âme.

— En ce cas, je vais continuer.

Et elle écorcha avec un sourire féroce un des airs de bravura qu’elle m’avait entendu chanter avec le plus de succès au théâtre.

— Monsieur votre cousin se porte bien ? lui dis-je, lorsqu’elle eut fini.

— Il est à la chasse.

— Votre Seigneurie aime le gibier ?

— Je l’aime démesurément. Et vous, monsieur ?

— Je l’aime sincèrement et profondément.

— Lequel aimez-vous mieux, du gibier ou de la musique ?

— J’aime la musique à table ; mais dans ce moment-ci j’aimerais mieux du gibier.

Elle se leva et sonna. À l’instant même un laquais parut comme s’il eût été une pièce de mécanique obéissant au ressort de la sonnette.

— Apportez ici le pâté de gibier que j’ai vu ce matin dans l’office, dit la signora.

Et deux minutes après le domestique reparut avec un pâté colossal, qu’à un signe de sa maîtresse il posa majestueusement sur le piano.

Un grand plateau, couvert de vaisselle et de tout l’attirail nécessaire à la réfection des êtres civilisés, vint se placer comme par enchantement à l’autre bout de l’instrument, et la signora, d’une main forte et légère, brisa le rempart de croûte appétissante et fit une large brèche à la forteresse.

— Voilà une conquête à laquelle nos seigneurs les Français n’auront point de part, dit-elle en s’emparant