Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/194

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mort honteuse, terrible peut-être, et que je serais non enseveli en terre sainte, mais jeté à la voirie.

Ce fut le dernier coup pour lui. Il rentra chez lui écrasé, et le lendemain on le trouva presque mort dans son lit. Le sacristain, qui était son ami particulier, ma pauvre marraine, qui est une bonne bête, et la mère Ouchafol, qui est une bête mauvaise, n’avaient pas peu contribué par leurs sots discours et leurs folles idées à désespérer et à tuer mon père.

Quand je le vis hors de danger, je lui jurai que je ne le quitterais jamais sans sa permission pleine et entière, et il reprit sa bêche. J’imposai silence à nos stupides amis et j’entrepris de faire comprendre et accepter à mon père le parti que j’avais pris d’être comédien. Ce n’était pas facile ; il avait été frappé de surdité dans sa maladie, et ses idées ne s’étaient pas éclaircies. Je vis que la réflexion le fatiguait et qu’une secrète anxiété retardait sa guérison complète. Je me mis à travailler au jardin et feignis d’y prendre grand plaisir ; sa figure s’épanouit, et je vis qu’une révolution complète s’était opérée dans son esprit. Autrefois, voulant que je