Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/108

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une enfant ; mais elle se tint debout et immobile comme si elle eût attendu mes ordres.

Je secouai mon embarras en voyant la délicate pudeur de son âme.

— Félicie, lui dis-je, vous avez joué quelque chose d’admirable. J’avais besoin de vous en remercier, comme si vous l’aviez joué pour moi ; mais vous ne pensiez peut-être qu’à celui qui vous l’a enseigné ?

— Personne ne me l’a enseigné, répondit-elle. C’est quelque chose qui m’est venu je ne sais comment, et je ne saurais pas dire ce que c’était.

— Vous ne pourriez pas le redire ?

— Non, je ne crois pas. C’est déjà envolé !

— Mais Tonino s’en souviendra, lui ?

— Tonino ? Pourquoi lui plus que vous ?

— Peut-être sait-il mieux écouter !

Et j’ajoutai en m’efforçant de sourire :

— Quand on écoute aux portes !

Elle me regarda avec un étonnement profond. Évidemment elle n’avait rien su de la présence du jeune homme, et elle ne comprenait rien à ma lourde épigramme. Je fus honteux de moi-même, j’essayai d’être sincère ; mais, comme j’allais parler à cœur ouvert, je vis Tonino sur le sentier par où j’étais venu. Il savait très-bien, lui, que, de là, on pouvait voir dans la salle, et il m’épiait d’assez près pour que son sourire ironique ne pût m’échapper. Je sentis encore une fois qu’il était l’obstacle mystérieux, insurmontable peut-être ! La crainte d’être raillé par