Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/135

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MANICHE. — Il est pourtant beau pour son âge, ce gars-là !

MYRTO. — Je ne dis pas non ; mais je croyais que les enfants poussaient plus vite que ça !

MANICHE. — Vous ne regardez pas souvent ça, les enfants, à ce qu’il paraît ?

MYRTO. — Si, je les regarde, comme ça, en passant ; mais je ne les examine pas. Est-ce que vous en avez, vous, la grosse, des moutards ?

UNE PAYSANNE. — Pas encore ! Elle n’est point mariée.

MYRTO. — Ce n’est pas une raison… Ah ! ça vous fait rire, vous autres, ce que je dis là ! Je parie que vous êtes toutes, plus ou moins, des gaillardes !

MARGUERITE. — Dame ! mam’selle, on peut être gaillarde en paroles quelquefois, pour plaisanter ; mais celles qui aiment trop la gaillardise n’en rient que pendant un temps. Ça les mène toujours à pleurer d’un œil ou de l’autre.

MYRTO. — Qu’est-ce que ça veut dire, pleurer d’un œil ou de l’autre ?

MARGUERITE. — Ça veut dire qu’on en a un pour pleurer la misère et un pour pleurer la honte.

MYRTO. — Diable ! on est donc bien sévère dans votre village ?

MARGUERITE. — On est comme ailleurs. On vous passe bien quelques petits manquements ; mais on ne vous en passe pas trente-six.

MYRTO. — Ainsi, on peut aller jusqu’à trente-cinq ?

UNE PAYSANNE. — Ah ! diantre, mam’selle, vous nous paraissez avoir la manche large !

UNE AUTRE. — Et la langue dégagée !

MYRTO. — Ça vous fâche donc, qu’on vous taquine ? Tenez, voilà la grosse qui a rougi ! Elle a au moins vingt-quatre ans, celle-là ?

MANICHE. — Excusez, j’en ai vingt, tout au plus.

MYRTO. — Tiens, c’est drôle, j’allais dire que vous aviez bien eu trois ou quatre amoureux ; mais je peux dire encore que vous en avez un ?