Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/292

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cine de repas pantagruélesques, dont la tradition est restée dans le pays ; et je me dis qu’il est des habitations qui semblent inféodées à des existences tranquilles. Eh bien, j’aime autant la cocagne intellectuelle de nos jeunes artistes que la ripaille grossière des vieux carmes !




SCÈNE XI


Dans la serre du château de Noirac


FLORENCE, DIANE.

DIANE. — Oui, l’arrangement est parfait, ravissant. Nous souperons littéralement sur la mousse et parmi les fleurs. Il n’est pas nécessaire d’y mettre un grand éclairage. Les masses de plantes dans une demi-obscurité prendront plus d’importance, et je ne serais pas fâchée de voir là-bas, au fond, un rayon de la lune se jouer sur ces myrtes, à travers le vitrage.

FLORENCE. — J’en suis désolé, madame, mais il n’y aura pas de lune cette nuit, et il ne dépend pas de moi de vous procurer ce complément à mon décor.

DIANE. — Eh bien, on s’en passera. Le reste serait joli ! Mon Dieu, que vous avez de goût ! Comme c’est commode et gracieux de souper auprès de cette fontaine ? Est-ce qu’elle fera toujours ce petit bruit ? C’est incommode pour causer !

FLORENCE. — Vous voulez voir le jet d’eau au reflet des lumières ; je ne peux pas vous faire jaillir de l’eau qui retombe sans bruit dans sa nappe.

DIANE. — Eh bien, on s’y accoutumera. Savez-vous que vous êtes un véritable, un grand artiste, Florence ?… Ah çà, vous ne voulez pas me dire si vous avez réfléchi sur notre conversation d’hier soir ?

FLORENCE. — J’ai réfléchi, madame, et je persiste à demeurer votre jardinier.