Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/12

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— Je ne le prévois en aucune façon. Je suis naturellement gaie, et j’ai conservé ma force au milieu des plus cruelles épreuves. Je n’ai aucun rêve d’amour dans la cervelle, je ne suis pas romanesque. Si je venais à changer, j’en serais bien étonnée. Voilà, madame, tout ce que je peux vous dire de moi. Voulez-vous me prendre telle que je me donne avec assurance, puisqu’au bout du compte je ne peux me donner que pour ce que je me connais ?

— Oui, je vous prends pour ce que vous êtes, pour une excellente fille, pleine de franchise et de volonté. Reste à savoir si vous avez réellement les petits talents que je réclame.

— Que faut-il faire ?

— Causer d’abord, et sur ce point me voilà satisfaite. Et puis il faut lire et faire un peu de musique.

— Essayez-moi tout de suite, et si le peu dont je suis capable vous contente…

— Oui, oui, dit-elle en me mettant un livre dans les mains, lisez ! Je meurs d’envie d’être enchantée de vous.

Au bout d’une page, elle me retira le livre en disant que c’était parfait. Restait la musique. Il y avait un piano dans la chambre. Elle me demanda si je savais lire à livre ouvert. Comme c’est à peu près tout ce que je sais, je pus la contenter encore sur ce point. Finalement, elle me dit que, connaissant mon écriture et ma rédaction, d’après des lettres de moi que lui avait montrées madame d’Arglade, elle comptait