Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/232

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clave et la victime des chimères de l’ambition. Ma mère aspire à recouvrer l’opulence ! Elle se trompe elle-même. Son vrai bonheur et sa vraie gloire, c’est d’avoir su y renoncer pour sauver son fils aîné. Elle est plus riche, depuis que j’ai arrangé son existence au prix de presque tout ce qui me reste, qu’elle ne l’était depuis dix ans en subissant avec terreur une situation douteuse, et qu’elle croyait devoir être pire. Voyez donc si je n’ai pas fait pour elle tout ce que je pouvais faire ! J’ai des opinions ardentes, fruit des études et des réflexions de toute ma vie. Je leur ai imposé silence. J’ai horriblement souffert de chagrins qu’elle n’a jamais connus. J’ai été véritablement torturé par mon propre cœur, et je lui ai épargné la douleur de voir mes supplices. J’ai souffert même par elle, et je ne me suis jamais plaint. N’ai-je pas vu, dès mon enfance, qu’elle avait une préférence irrésistible pour mon frère, et ne sais-je pas d’ailleurs qu’elle croyait la devoir à l’aîné et au plus titré de ses fils ? J’ai vaincu le dépit de cette blessure, et le jour où mon frère m’a enfin permis de l’aimer, je l’ai aimé passionnément ; mais jusque-là que n’avais-je pas dévoré de secrets affronts et d’amères plaisanteries de sa part et de celle de ma mère, liguée avec lui contre le sérieux de ma pensée et de mon existence ! Je ne leur en voulais pas, je comprenais leurs erreurs, leurs préjugés ; mais sans le savoir ils me faisaient bien du mal !…

Au milieu de tant de dégoûts, une chose pouvait