Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/233

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tenter un solitaire comme moi, la gloire des lettres. Je sentais en moi une certaine flamme, un élan vers le beau qui pouvait grouper autour de moi de nombreuses sympathies. J’ai vu que cette gloire blesserait ma mère dans ses croyances, et j’ai résolu de garder le plus strict anonyme, de ne pas même laisser soupçonner la paternité de mon œuvre. Vous seule, vous seule au monde, avez reçu la confidence d’un secret qui ne doit jamais être trahi, et je ne veux pas ajouter tant que ma mère vivra, car j’ai horreur de ces restrictions mentales, de ces projets parricides qui semblent appeler la mort sur ceux que nous devons chérir plus que nous-mêmes. J’ai dit jamais à cet égard, afin de n’avoir jamais en moi la notion d’un état de choses où une satisfaction personnelle pourrait diminuer en moi la douleur de perdre ma mère.

— Eh bien ! en tout ceci, je vous approuve autant que je vous admire, reprit mademoiselle de Saint-Geneix ; mais il me semble que tout peut et doit s’arranger, relativement à votre mariage, selon les désirs de votre famille et selon les vôtres. Puisqu’on dit mademoiselle de Xaintrailles tout à fait digne de vous, pourquoi donc, au moment de vous en assurer, prononcez-vous d’avance que cela n’est ni possible ni probable ? Voilà où je ne vous comprends plus du tout, et où je doute que vous ayez des motifs sérieux et respectables à me faire accepter.

Caroline parlait avec une décision qui changea tout à coup les dispositions du marquis. Il était au moment