Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/84

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duc. Vous croyez que madame la marquise saurait m’en préserver : moi, je crois qu’entre un fils adoré et une tendre mère, personne ne peut et ne doit avoir une plainte à formuler. On n’a jamais raison devant certains juges. Je songeais précisément à cette situation, et je prévoyais avec chagrin qu’un moment pourrait venir où je serais forcée…

— De nous… de quitter ma mère ? dit le marquis avec une subite vivacité qu’il réprima aussitôt. Voilà précisément ce que je craignais ! Si cette idée est déjà entrée dans votre esprit, je m’en afflige beaucoup ; mais je ne la crois pas fondée. Prenez garde d’être injuste ! Mon frère a été très-ému aujourd’hui. Une circonstance particulière, une affaire de famille… toute de sentiment, l’avait un peu exalté ce matin. Ce soir il était heureux, bon, expansif par conséquent. Quand vous le connaîtrez mieux…

On entendit sonner. Le marquis tressaillit. Les intimes arrivaient. Il lui fallait laisser en suspens beaucoup de choses qu’il eût voulu dire et ne pas dire. Il se hâta d’ajouter : — Enfin, au nom du ciel, au nom de ma mère, ne vous pressez pas de prendre un parti qui serait si douloureux, si fâcheux pour elle. Si je l’osais, si j’en avais le droit, je vous supplierais de ne rien décider sans me consulter…

— Le respect auquel vous avez droit par votre caractère, répondit Caroline, vous donne aussi le droit de me conseiller, et je n’hésite pas à vous promettre ce que vous voulez bien me demander.