Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/184

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san de discussions philosophiques, les priait de vouloir bien se taire. Il les appelait des idéologues.

Le capitaine. — Et il vous eût appelés ainsi vous-mêmes. Vraiment, vous me paraissez bien singuliers avec vos théories, vos constitutions et vos distinctions de gouvernements constitutionnel et absolu ! Qu’est-ce que tout cela nous fait ? Il faut chasser l’ennemi, faire la guerre aux étrangers et à leurs Bourbons, aux royalistes et à leur prêtraille. On verra ensuite. Qu’avez-vous besoin de discuter avec ces braves ouvriers ? Il fallait leur parler de prendre chacun un fusil de munition et vingt-cinq cartouches. Voilà le seul langage que le peuple français comprenne.

Achille Lefort. — Vous voyez bien que non, et qu’il veut savoir aujourd’hui où il va. Moi, je connais la matière, et j’en ai enrôlé plus d’un qui ne se doute guère plus que moi du principe pour lequel nous aurons travaillé dans vingt ans. Mais qu’importe ? Agiter, soulever, associer, armer, avec cela on va à tout.

Le médecin. — Même à la république. Belle conclusion, et digne de l’exorde !

Achille. — Eh bien ! pourquoi pas la république ?

L’avocat. — Eh ! certes, la république ! Est-ce qu’on peut demander mieux, quand elle est représentée par les hommes les plus purs, les plus intègres et les plus modérés ?

Le médecin. — Ces hommes-là sont des niais, s’ils croient pouvoir museler le peuple quand ils l’auront lâché.

Achille. — Bah ! le peuple est doux comme un enfant après la victoire. Vous ne le connaissez pas, vous dis-je ; moi, je me fais fort d’en mener dix mille comme ceux que vous venez de voir.

Le médecin. — Oui, comme le vieux serrurier jacobin par exemple ! Joli échantillon ! J’avoue que je ne me sais