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DU TOUR DE FRANCE.

Le 3 novembre de cette même année 1823, c’est-à-dire environ deux mois après l’aventure du Corinthien et de la marquise, on célébra la fête du comte de Villepreux. Plusieurs personnes des environs furent invitées à dîner. Beaucoup d’autres vinrent rendre hommage au patriarche du libéralisme de Loir-et-Cher. Le comte n’était pas très-flatté de ces ovations domestiques. Ses résolutions se ressentaient de la situation politique, à tel point que le matin de sa fête, son petit-fils Raoul étant venu l’embrasser, il eut avec lui un assez long entretien, à la suite duquel, après l’avoir paternellement tancé sur plusieurs points, il lui donna à entendre qu’il ne prétendait pas entraver son ardeur militaire, et que, si la guerre se prolongeait en Espagne, il lui permettrait de demander du service dans l’armée française. Raoul fut si enchanté de cette demi-promesse, qu’il monta à cheval et courut l’annoncer à ses jeunes amis des châteaux voisins, qui se trouvaient réunis dans un rendez-vous de chasse à deux lieues de Villepreux. Il y eut grande joie et grande exclamation de leur part. Ils burent à la santé du vieux comte, déclarant qu’ils lui pardonnaient le passé, et qu’ils iraient le remercier d’avoir comblé les vœux de Raoul, bien que leurs familles ne se vissent plus. Vers le soir Raoul se disposait à retourner au dîner de son grand-père, lorsqu’il passa par la tête de ces jeunes fous de s’inviter à ce dîner, les uns avec l’élan que leur communiquait le vin de Champagne, les autres avec la pensée malicieuse de compromettre par cette démarche le vieux comte auprès de ses convives libéraux. Raoul s’imagina que c’était un excellent moyen d’entraîner plus vite son aïeul, et la jeune phalange ultra-royaliste arriva au château au moment où l’on servait le dîner.

Ce fut un singulier coup de théâtre que l’apparition de ces enfants de nobles familles au banquet libéral du comte de Villepreux. On se toisa d’une étrange façon. Certains