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PROCOPE LE GRAND.

trine du trône, est encore ce qu’elle était au temps de Martin V et de Sigismond ; et il y a encore des croisades toutes prêtes à se former contre nous, quand nous voudrons donner la coupe à tout le monde. Hâtons donc le triomphe de la Vérité, et faisons avancer la loi de Dieu par les moyens conformes à la lumière de notre siècle et au respect de l’Humanité, telle qu’il nous est enfin accordé de la comprendre et de la connaître, après tant de siècles d’erreur et de misère. Admirons, dans le passé, la foi de nos pères les hérétiques, jointe à tant d’audace et de force ; mais enseignons à nos fils, avec la foi, le courage et la force, la douceur et la mansuétude.

La mission pacifique du Christ a porté de plus beaux fruits et transformé le monde plus profondément que les missions sanguinaires entreprises depuis en son nom. Les grands guerriers, les nobles champions de l’hérésie ont laissé des œuvres incomplètes, parce qu’ils ont versé le sang. L’Église est tombée au dernier rang dans l’esprit des peuples, parce qu’elle a versé le sang. L’Église n’est plus représentée que par des processions et des cathédrales, comme la royauté n’est plus représentée que par des citadelles et par des soldats. Mais l’Évangile, la doctrine de l’Égalité et de la Fraternité, est toujours et plus que jamais vivant dans l’âme du peuple. Et voyez le crucifié, il est toujours debout au sommet de nos édifices, il est toujours le drapeau de l’Église !

Il est là sur son gibet, ce Galiléen, cet esclave, ce lépreux, ce paria, cette misère, cette pauvreté, cette faiblesse, cette protestation incarnées ! Il est là-haut, non pas, comme ils le disent, dans les cieux inaccessibles, mais sur la terre, et comme planant au-dessus d’elle, au sommet des temples, et sur la coupole des hauts lieux réservés à la prière et à la méditation. Sa prophétie s’est accomplie : il est remonté dans le Ciel, parce qu’il est