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PROCOPE LE GRAND.

le combat, dans une enceinte de cinq cents chariots liés ensemble de doubles chaînes. Les Allemands passèrent tout un jour de chaleur excessive à briser ces chaînes avec des haches à deux tranchants dont on les avait munis à cet effet pour la première fois. Les Bohémiens, à couvert derrière leurs grands boucliers fichés en terre, les laissèrent s’épuiser à ce travail ; et dès que la cavalerie se présenta, ils la renversèrent avec leurs machines de guerre. Leurs fantassins étaient en outre armés d’une lance crochue de nouvelle invention, avec laquelle ils désarçonnaient les cavaliers. Le combat fut acharné, et les Hussites y perdirent trois mille hommes, perte considérable vu leur petit nombre ; mais cinquante mille Allemands périrent, dit-on, en Bohême, dans cette bataille et dans les diverses escarmouches qui harcelèrent leur fuite. La fleur de leur noblesse y demeura et fut ensevelie à Tœplitz sous des poiriers sauvages, qui, selon la tradition, ne portèrent jamais plus de fruit depuis ce temps-là. La même nuit qui vit cette déroute immense des Allemands, ceux des Taborites qui étaient restés occupés au siége d’Aussig emportèrent la place, la brûlèrent, et n’y laissèrent pas un être vivant.

Après la bataille, l’armée Hussite, qui semblait ne pas connaître le repos et se fortifier dans les fatigues et les combats, fit encore d’autres exploits, et enleva d’autres places aux Catholiques. En général, les assiégés se défendaient en désespérés, sachant bien que les Taborites ne faisaient pas quartier aux vaincus. Mais, par exception, la ville de Mise se rendit à dix hommes commandés par un chef Taborite appelé Przibik Klenowky, et surnommé le héros invincible. En réponse aux reproches de couardise de leurs voisins de Pilsen, Ce chef, dirent ceux de Mise, avait une si longue épée, qu’elle pouvait atteindre d’une porte à l’autre.