Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/287

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du droit de faire expirer dans les tourments, ou tout au moins pendre sous ses yeux, un coupable tel que d’Alvimar, et qui n’eût blâmé ou raillé l’excès de loyauté romanesque dont Bois-Doré avait fait preuve dans son duel.

Bois-Doré le savait bien et ne s’en souciait pas. Il avait trois motifs pour être ce qu’il était : son instinct d’abord, puis les exemples d’humanité d’Henri IV, qui, un des premiers de son temps, eut le dégoût du sang versé sans péril. Henri III, mortellement frappé par Jacques Clément, avait été soutenu par la colère et la vengeance au point de frapper lui-même son assassin et de le voir, avec joie, jeté par les fenêtres ; Henri IV, blessé à la figure par Chastel, avait eu pour premier mouvement de dire : « Laissez allez cet homme ! » Enfin, Bois-Doré avait pour code religieux les faits et gestes des héros de l’Astrée.

Il était hors d’exemple, dans ce poëme idéal, qu’un digne chevalier eût vengé l’amour, l’honneur ou l’amitié, sans s’exposer en personne aux derniers périls. Il ne faut donc pas trop se moquer de l’Astrée, et même il faut voir avec intérêt la vogue de ce livre. C’est, au milieu des turpitudes sanguinaires des discordes civiles, un cri d’humanité, un chant d’innocence, un rêve de vertu qui montent vers le ciel.




XXXIV


La première pensée du marquis à son réveil fut pour son héritier, que, pour nous conformer au titre qui prévalut, nous appellerons son fils.