Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/143

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laquelle ils voyaient passer et repasser au dehors la silhouette des reîtres montant la garde l’arme au bras.

Il y en avait deux sur chaque face de la maison, luxe inutile, car cette maison n’avait que deux portes : celle qui donnait sur la route et celle du garde-manger, qui donnait sur un petit jardin clos de haies.

Toutes les fenêtres du rez-de-chaussée et du premier étaient solidement grillées. Il ne fallait donc pas espérer sortir de vive force.

Et pourtant, le marquis soupirait d’impatience.

— Ah ! mon fils ! disait-il à Mario, pourquoi es-tu ici ? Avec ce bon grand couteau de cuisine, je saurais bien me débarrasser des deux sentinelles qui se croisent là devant la porte de l’office. Mais avec toi… je n’oserais, je suis lâche.

— Et, si mon homme était là, ajoutait madame Pignoux, tout vieux qu’il est, il ferait bien l’affaire des deux autres, avec Jacques ! Mais j’ai bien peur qu’ils ne l’aient tué, mon bon valet !… Ah ! Dieu ! le voilà ! voyez comme ces démons l’ont arrangé ! Il est tout en sang !

Jacques le Bréchaud, ainsi nommé parce qu’il était brèche-dents, était laid, sournois et rageur, mais courageux et dévoué.

— Ne faites pas attention, dit-il, et donnez-moi un torchon pour que je m’essuie la figure.

— Mais ils t’ont fendu la tête, mon pauvre ami ! dit le marquis en lui passant son mouchoir à dentelle, qui était resté dans la poche de ses chausses.

Mario s’empara du mouchoir, qui les eût fait reconnaître pour des seigneurs, et le jeta dans le fourneau ardent, où il disparut comme une allumette.

Jacques essuyait son sang et bandait sa blessure avec une serviette.