Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/168

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Au bout de dix minutes de triple galop, le marquis arrêta son cheval et celui de Mario.

— Halte ! lui dit-il, et ouvre ta fine oreille. Sommes-nous poursuivis ?

Mario écouta, mais le bruit des naseaux de son cheval essoufflé l’empêchait de bien entendre.

Il sauta à terre, s’éloigna de quelques pas et revint.

— Je n’entends rien, dit-il.

— Tant pis ! répondit le marquis ; ils ont fini de se battre, et ils doivent penser à nous. Vite à cheval, mon enfant, et courons encore. Il faut gagner Brilbault, où sont nos amis et notre monde.

— Non, mon père, non, reprit Mario, qui était déjà en selle. Il n’y a plus personne à cette heure à Brilbault. C’est à Briantes qu’il faut courir par la traverse. Oh ! je vous en prie, mon père, n’hésitez pas et ne doutez pas que je n’aie raison. Je suis bien assuré de ce que je vous dis.

Bois-Doré céda sans comprendre. Ce n’était pas le moment de discuter.

Ils gagnèrent en droite ligne le hameau de Lacs, à travers la grande plaine fromentale qui, appartenant tout entière à la seigneurie de Montlevy, n’était pas, à cette époque, divisée en plusieurs lots garnis de haies.

C’était marcher à la grâce de Dieu, en pays découvert et sans pouvoir aller vite ; car, en beaucoup d’endroits, les chevaux entraient jusqu’aux genoux dans la terre labourée.

Nos fugitifs firent cependant la moitié du trajet sans entendre aucune bande de cavaliers sur le chemin, qu’ils suivaient à peu près parallèlement, à une distance de deux ou trois portées d’arquebuse.

C’était, dans la pensée du marquis, un assez mauvais