Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/195

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jusqu’aux yeux ; on le croyait blessé à la tête, et chacun lui demandait avec sollicitude s’il avait beaucoup de mal.

Au moment où l’on jetait les premières pelletées de terre sur les cadavres, il y en eut un qui réclama.

C’était La Flèche, qui prétendait n’être pas tout à fait mort.

Les fossoyeurs improvisés n’étaient guère disposés à l’écouter, lorsque Mario passa non loin et entendit la discussion. Il accourut et donna l’ordre d’exhumer le misérable, à quoi l’on obéit avec répugnance ; mais, malgré toute son autorité seigneuriale, le généreux enfant ne put décider personne à le transporter à l’ambulance.

Chacun s’enfuit sous divers prétextes, et Mario fut forcé d’aller chercher Aristandre, qui obéit sans murmurer, et retourna avec lui au lieu où, sur la terre humide et souillée, gisait le bohémien brisé.

Mais il n’était plus temps. La Flèche était perdu sans ressource ; il ne râlait même plus ; son œil dilaté et hagard annonçait qu’il touchait à sa dernière heure.

— Il est trop tard, monsieur, dit Aristandre à son jeune maître. Que voulez-vous ! c’est bien moi qui l’ai aplati, et je conviens que je ne m’y suis point fait léger ; mais ce n’est pas moi qui lui ai mis comme ça de la terre et des cailloux dans la bouche pour l’étouffer. Je n’aurais jamais songé à ça.

— De la terre et des cailloux ? répondit Mario en regardant avec horreur et surprise le bohémien, qui étouffait. Il parlait tout à l’heure ! il aura donc mordu la boue en se débattant contre la mort ?

Et, comme il se penchait vers le misérable pour essayer de le soulager, La Flèche, qui avait déjà la pâleur