Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des trépassés, fit un effort du bras comme pour lui dire : « C’est inutile ; laisse-moi mourir en paix. »

Puis son bras s’étendit avec l’index ouvert, comme s’il indiquait son meurtrier, et resta ainsi roidi par la mort, qui avait déjà éteint son regard.

Les yeux de Mario suivirent instinctivement la direction que désignait ce geste effrayant, et ne vit personne.

Sans doute, le bohémien avait eu en expirant une hallucination en rapport avec sa triste et méchante vie.

Mais Aristandre fut frappé des traces d’un petit pied, toutes fraîches, sur la terre argileuse.

Ces traces entouraient le cadavre et présentaient comme un piétinement auprès de sa tête, puis elles s’éloignaient dans la direction que son bras montrait encore.

— Il y a des enfants bien terribles ? dit le bon carrosseux en faisant remarquer ces traces à Mario. Je sais bien que ces bohémiens ne valent pas des chiens, et c’est peut-être le petit à ce pauvre Charasson qui, voyant que vous vouliez sauver ce mal mort, aura voulu, lui, l’achever comme cela pour venger la mort de son père. C’est égal, c’est une invention du diable, et l’on a bien raison de dire que le mal fait pousser le mal.

— Oui, oui, mon bon ami, répondit Mario épouvanté. Tu comprends, toi, qu’un mourant n’est plus un ennemi. Mais regarde donc là-bas dans le buisson : n’est-ce pas la petite Pilar qui se cache ?

— Je ne sais pas, dit Aristandre, ce que c’est que la petite Pilar ; mais je connais cette petite drôlesse pour celle que j’ai fait sauver cette nuit. Tenez, la voilà qui se sauve plus loin. Elle court comme un vrai chat maigre ; la reconnaissez-vous, à présent ?