Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/206

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cour, pouvait n’y être pas bien reçu, revenir soudainement et passer sa mauvaise humeur sur les seigneurs de sa province.

Il fallait donc s’occuper, au moins, de ne pas laisser, entre soi et lui, un avocat dangereux de la cause d’Alvimar.

C’est de quoi Lucilio, fit, dès le lendemain, aviser le marquis, lequel courut aussitôt chez M. Poulain comme pour s’informer de sa santé.

Le recteur, qui ne pouvait encore quitter son fauteuil, tant il avait souffert du froid, de la gêne et de la peur, essaya de lui dire qu’une chute de cheval l’avait accommodé de la sorte et retenu vingt-quatre heures chez un de ses confrères.

Mais Bois-Doré alla droit au fait et lui parla avec une fermeté douce et généreuse, sans manquer à lui montrer les notes du journal de d’Alvimar et la manière dont ce défunt ami y parlait de lui et de M. le Prince.

M. Poulain ne lutta pas contre ces révélations. Son orgueil était fort abattu par les anxiétés atroces où il s’était trouvé plongé.

— Monsieur de Bois-Doré, dit-il en soupirant et en essuyant la sueur froide qui baignait encore son front au souvenir de ces angoisses, j’ai vu la mort de près, et je croyais ne pas la craindre ; mais elle m’est apparue sous une si laide et si cruelle forme, que j’ai fait le vœu de me retirer dans un cloître si je sortais de ce mur glacé où l’on m’avait enterré vivant. M’en voilà sorti, et je me sens bien pressé de ne plus prendre parti pour ou contre aucune personne et aucun intérêt de ce monde. Je vais donc songer uniquement à mon salut dans une profonde retraite, et, s’il vous plaisait m’allouer une cellule dans l’abbaye de Varennes, dont vous