Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/237

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jeune âge et votre deuil me faisaient craindre de parler trop tôt.

— Permettez-moi d’en douter, dit Lauriane, qui savait par la voix publique que Guillaume avait toujours mené joyeuse vie et soupiré récemment pour plusieurs dames plus ou moins à marier.

— Madame ma fille, dit enfin M. de Beuvre, permettez-moi de dire que Guillaume ne ment point. Il y a longtemps, je le sais, qu’il pense à vous quand l’idée du mariage lui vient. Mais il se décide un peu tard, selon moi, à vous en faire part.

— Un peu tard ? s’écria Guillaume désappointé ; auriez-vous disposé ?…

— Non, non, point ! répliqua de Beuvre en riant ; ma fille n’est promise ni fiancée à personne, à moins que ce ne soit à notre jeune voisin, le marquis de Bois-Doré, ou à ce grave personnage, l’autre M. de Bois-Doré, qui dort là-bas, pendant qu’on demande la main de sa future !

Mario, confus et blessé, ne se retourna pas. On crut qu’il dormait ; la Morisque seule vit qu’il pleurait ; mais le marquis se leva et répondit avec plus du vivacité qu’il n’en montrait d’habitude :

— Mon voisin, je gage que votre moquerie est un reproche de notre silence, et nous allons le rompre. Vous me le pardonnerez, Guillaume ; car, aussi vrai que le ciel est au-dessus de nous, je vous tiens pour le meilleur et le plus loyal homme qui soit, digne en tout d’être l’heureux époux de notre Lauriane. Mais, sans vouloir vous nuire auprès d’elle, je déclare ici que ma demande a devancé la vôtre, et que j’ai été encouragé par elle et par son père à être écouté le premier.

— Vous, mon cousin ? s’écria Guillaume stupéfait.