Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/241

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malade, et commençant à convenir en lui-même qu’il ne faut pas jouer avec l’avenir des enfants en leur présence. Mais ce remords tardif ne le corrigea pas. Sa cervelle romanesque et bizarre, qui était, restée elle-même celle d’un enfant, ne pouvait admettre la notion saine du temps. De même qu’il se croyait toujours jeune, il se figurait que Mario était mûr pour le genre d’amour, froid et bavard, chaste et maniéré, que l’Astrée lui avait mis en tête.

Mario ne connaissait rien aux subtiles distinctions des mots. Il ne ressentait que les tourments du cœur, les seuls profonds et durables.

Il disait : « J’aime Lauriane ; » et, si on lui eût demandé de quel genre d’amour, il eût répondu de bonne foi qu’il n’y en avait pas deux. Pur comme les anges, il était dans le vrai idéal de la vie, qui est d’aimer pour aimer.

Dès que de Beuvre et sa fille se retrouvèrent ensemble, il l’engagea fort à se prononcer pour Guillaume d’Ars.

— Je n’ai pas voulu mécontenter le marquis en me prononçant, lui dit-il ; mais son rêve est une lubie, et j’imagine bien que vous ne voulez pas garder encore six ans le chaperon noir, pour attendre que son bambin ait perdu toutes ses dents de lait.

— Je n’ai pas pris cet engagement vis-à-vis de moi-même, répondit Lauriane, qui était fort triste ; mais je crains que vous n’ayez, à votre insu, pris l’engagement pour moi vis-à-vis du marquis.

— Je m’en rirais bien, reprit de Beuvre ; mais cela n’est point. Tant pis pour ce vieux fou et pour son marmot s’ils prennent au sérieux des paroles en l’air : l’un se consolera avec un cheval de bois, l’autre avec un