Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/244

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— Vous me ferez passer pour une ingrate, disait-elle. Après tant de soins que l’on a eus pour moi là-bas, c’est moi qui devrais aller soigner Mario. Vous y devriez au moins aller tous les jours, mon père. Ils diront que vous les oubliez, à présent que nous n’avons plus besoin d’eux ! Ah ! que ne suis-je un garçon ! j’y courrais à cheval à toute heure ; je serais le camarade et l’ami de ce pauvre enfant, et je lui pourrais témoigner mon amitié sans avoir un lien suspendu sur ma tête ou un reproche à encourir !

Elle décida enfin son père à la conduire à Briantes.

Elle trouva Mario assez revenu de son chagrin et guéri de sa fièvre. Il paraissait avoir pris encore une fois son parti d’être enfant. Le marquis était un peu blessé de la conduite de M. de Beuvre. Mais on ne pouvait se garder rancune. Les parents se mirent peu à peu à causer comme si de rien n’était ; Lauriane se mit à rire et à folâtrer avec son innocent amoureux.

— Voisin, dit alors de Beuvre à Bois-Doré, il ne me faut point bouder. Votre idée pour ces enfants était pure rêvasserie. Voyez comme ils s’entendent bien ensemble pour les jeux innocents ! C’est signe qu’aux jeux d’amour ils seraient en guerre. Songez qu’un trop jeune mari ne se contente pas longtemps d’une seule femme, et qu’une femme délaissée est jalouse et acariâtre. Il y a, d’ailleurs, entre ces enfants, un empêchement auquel nous eussions dû songer : l’un est catholique, l’autre est protestant.

— Ce n’est point là un empêchement, dit le marquis. On se marie à la même Église, sauf à retourner chacun à celle qu’on préfère.

— Oui, oui, c’est fort bon pour vous, vieux incrédule, qui êtes des deux Églises, c’est-à-dire d’aucune ; mais pour nous…