Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/245

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— Pour vous, mon voisin ? Je ne sais quelle communion vous faites ; mais je crois fort en Dieu, et vous n’y croyez guère.

Peut-être ! Qui sait ? a dit Montaigne ; mais ma fille croit, et vous ne la feriez point céder.

— Elle n’aurait point à céder. Ici, elle a été libre de prier comme elle l’entendait. Mario et elle ont fait leur prière du soir ensemble, et ils n’ont point songé à se disputer. D’ailleurs, Mario serait tout prêt à faire comme moi…

— Oui, à dire comme vous, au temps du bon roi : « Vive Sully et vive le pape ! »

— Lauriane ne serait pas plus entêtée de calvinisme, soyez-en bien assuré !

Bois-Doré se trompait. Plus M. de Beuvre s’avouait sceptique, plus Lauriane avait à cœur de se rattacher à la Réforme avec désintéressement. De Beuvre, qui le savait bien et qui cherchait l’occasion de susciter des obstacles, souleva la question pendant le dîner. Lauriane se prononça avec douceur, mais avec une fermeté remarquable.

Le marquis n’avait jamais parlé religion avec elle ni devant elle. Le fait est qu’il n’en parlait avec personne, et trouvait les dieux mi-partie gaulois et païens de l’Astrée très-conciliables avec ses notions vagues sur la Divinité. Il fut chagrin de voir Lauriane se gendarmer de la sorte, et ne put s’empêcher de lui dire :

— Ah ! méchante enfant, vous ne seriez pas si entêtée de controverse, si vous nous aimiez un peu plus !

Lauriane n’avait pas vu où son père voulait en venir. Le reproche du marquis le lui fit comprendre. C’était le premier reproche qu’il lui adressât, et elle en fut vivement peinée. Mais la crainte d’irriter son père l’empêcha