Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/254

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à mieux que vous pour le nom et l’argent, mais non pour le cœur ; et, comme le soin de la garder me détourne beaucoup de celui de mes affaires, je souhaite, en reprenant ma liberté, mettre ma Lauriane en bonnes mains. Dites donc oui, et hâtons-nous.

Le marquis fut abasourdi d’une proposition que, depuis quatre ans, M. de Beuvre semblait peu disposé à bien recevoir, au cas où elle lui eût été faite. Mais il ne lui fallut pas beaucoup de réflexion pour sentir l’inconvenance de ce projet et l’égoïste légèreté du père de Lauriane. Bois-Doré était souvent léger lui-même et hors du vrai ; mais il était vraiment père, et Mario, amoureux et marié à seize ans, lui paraissait dans une situation plus redoutable que Mario romanesque et conjugal à onze ans.

— Vous n’y songez point, répondit-il : fiancer nos enfants, à la bonne heure ! mais les marier, c’est trop tôt.

— C’est ainsi que je l’entendais ! dit de Beuvre. Eh bien, fiançons-les, et reprenez ma fille chez vous. Vous surveillerez ces amoureux, et, dans deux ou trois ans, je reviendrai faire la noce.

Bois-Doré était assez romanesque pour céder ; cependant il hésita. Il avait oublié l’amour, ou du moins ses orages. Mais un regard d’Adamas, qui feignait d’arranger les paquets et qui écoutait fort bien de ses deux oreilles lui rappela ces rougeurs et ces pâleurs qu’il avait remarquées sur le visage de Mario, et qui pouvaient être la révélation de souffrances cachées avec soin.

— Non, non, dit-il. Je ne mettrai point mon enfant auprès du brasier ; je ne l’exposerai point à s’y dessécher ou à manquer aux lois de l’honneur. Restez en votre château, mon voisin, et soyons prudents. Vous