Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/255

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êtes assez riche. Échangeons ici notre parole, à l’insu de nos enfants, cette fois ! Pourquoi ôter le sommeil à l’un d’eux ? Dans trois ans, nous les ferons heureux, sans trouble ni reproche.

De Beuvre sentit que l’ambition et la cupidité lui avaient fait désirer une sottise. Mais il était devenu entêté et colérique. Il prit de l’humeur, refusa l’échange des paroles et décida qu’il conduirait sa fille en Poitou, auprès de la duchesse de la Trémouille, sa parente.

Mario eut une défaillance au moment de monter en voiture, lorsqu’il apprit que Lauriane ne revenait pas avec lui et s’éloignait pour un temps illimité. Son père avait essayé d’amoindrir le coup ; mais de Beuvre tenait à le lui porter pour éprouver ses sentiments ou pour se venger de la leçon de prudence qu’il avait eu le dépit de recevoir du moins prudent des hommes. Lauriane, qui ne savait rien encore (son père lui avait seulement dit qu’il avait à rester quelques jours de plus avec elle à Bourges), descendit précipitamment l’escalier en entendant l’exclamation douloureuse du marquis, à la vue de Mario blême et défaillant. Mais Mario se remit très-vite, prétendit n’avoir qu’une crampe, et se jeta dans le grand carrosse en fermant les yeux. Il ne voulait pas voir Lauriane, dont l’air calme jusqu’à ce moment le blessait jusqu’au fond du cœur. Il la supposait instruite de tout et décidée, sans regret, à le quitter pour toujours.

Le marquis voulait rester, s’expliquer avec de Beuvre. Il eut le courage de n’en rien faire, en voyant le courage de Mario : quoi qu’il pût advenir, l’âge était venu pour le jeune homme où une séparation de quelques années devenait nécessaire.

Mario, si expansif à tous autres égards, n’ouvrit son