Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/258

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toucher à ses livres, et, de fait, il y faut un homme un peu instruit… je vois la Morisque baiser avec tendresse à la dérobée un bouquet de roses qu’elle apporte tous les matins sur sa table pendant qu’il déjeune avec vous. Et puis, m’apercevant tout à coup, elle devint pale comme son écharpe de tête et se sauva, comme si elle eût commis un grand crime. Il y avait longtemps, bien longtemps, monsieur, que je me doutais de quelque chose. Toute cette amitié, tous ces égards et petits soins qu’elle a pour lui… je pensais bien que cela pouvait conduire l’un et l’autre à l’amour.

— Au fait ! dit le marquis. Mais poursuis, Adamas !

— Eh bien, monsieur, la découverte me fit pousser un beau grand rire, non de moquerie, mais de satisfaction, car on est toujours content de deviner ou surprendre un secret, et, quand on est content, on rit. Si bien que maître Jovelin, rentrant dans sa chambre, me demanda doucement, avec ses yeux, de quoi je riais de si bon cœur, et moi de le lui dire, là, innocemment, pour le faire rire aussi… et aussi, je l’avoue, pour savoir comment il prendrait l’aventure.

— Et comment la prit-il ?

— Avec un grand coup de soleil en pleine figure, ni plus ni moins qu’une jolie fille, et il faut croire que le contentement vous refait bien un homme ; car celui-ci, avec ses grands yeux, sa grande bouche et sa grande moustache noire, s’illumina comme un astre, et me parut aussi beau qu’il l’est quelquefois, quand il sonne de sa mélodieuse sourdeline.

— Fort bien, Adamas, tu te formes à bien parler. Alors ?..

— Alors je sortis, ou plutôt je fis le bruit de sortir, et, regardant par la porte un peu entre-bâillée, je vis le